Protection de la jeunesse
Concrètement, la révision améliore la protection de la jeunesse à travers deux angles: la prévention et la répression.
Au niveau de la répression:
- toute tolérance possible lors de l'usage de stupéfiants est exclue dès qu'il s'agit de mineurs. La loi actuelle admet que la consommation personnelle de quantités minimes de stupéfiants n'est pas punissable. En revanche la révision de la loi est très claire: il n'y aura aucune tolérance en ce qui concerne l'accès de la drogue à des mineurs (article 19b).
- La remise de drogue à des mineurs sera plus lourdement punie. Pour protéger le plus efficacement la jeunesse, la révision prévoit également de considérer comme cas grave et d'alourdir les peines pour le trafic à proximité des établissements de formation (article 19).
- Les peines privatives de liberté seront systématiques lors de remise de stupéfiant à des mineurs (article 19 bis).
Au niveau de la prévention:
- La prévention de la consommation est inscrite dans les buts de la loi (article 1). Il s'agit d'une priorité et la révision offre des possibilités de mettre sur pieds une protection efficace de la jeunesse.
- L'accent est mis sur la détection précoce, à savoir repérer le plus tôt possible les problèmes de consommation, avant même l'apparition de problèmes graves, afin d'augmenter l'efficacité de l'intervention(article 3b).
- Pour renforcer la détection précoce, le nombre de professions habilités à annoncer des problèmes de drogues chez des mineurs est augmenté (article 3c).
Quels faits parlent en faveur de la politique des 4 piliers ?
Prévalence de la consommation de drogues chez les jeunes.
La Suisse dispose de plusieurs outils qui permettent d’établir avec précision le degré de consommation des jeunes et de le comparer avec d’autres pays européens.
La consommation de drogues illégales des adolescents peut être étudiée à l'aide de deux enquêtes internationales (HBSC et ESPAD) réalisées auprès d'écoliers. Les parties concernant la Suisse ont été réalisées par l'Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA).
Une autre étude appelée SMASH porte sur les comportements en matière de santé des apprentis et écoliers de 16 à 20 ans. Ses résultats permettent de suivre l'évolution de la consommation des jeunes au-delà de l'école obligatoire. Les jeunes de ce groupe d'âge qui ne suivent ni une filière de formation ni une filière scolaire (travailleurs, drop-outs, etc.) ne sont cependant pas pris en compte dans cette enquête.
L'enquête suisse sur la santé (ESS) permet de suivre l'évolution des comportements de consommation au sein de la population âgée de 15 à 39 ans domiciliée en Suisse. [1, 16-18]
Tendance à la hausse entre 1986-2002 : Le pourcentage de jeunes de 15-16 ans qui a consommé au moins une fois du cannabis a beaucoup augmenté entre 1986 et 2002. Les taux se trouvaient autour de 10% pour les deux sexes en 1986, tandis qu’en 2002 ils étaient de 50% chez les garçons et 40% chez les filles. [2, p 12-16]
Tendance à la baisse entre 2003 et 2007 : L’évolution de la consommation entre 2003 et 2007 montre toutefois que le cannabis attire moins les jeunes. La conscience des risques encourus pour la santé a augmenté et les débats politiques autour du cannabis font que tout le monde sait aujourd’hui que le cannabis est soumis à la Loi sur les Stupéfiants. L’interdiction croissante de fumer du tabac dans les lieux publics pourrait avoir eu pour effet une réduction de la consommation de cannabis, tout comme l’interdiction de fumer dans les trains, qui peut aussi avoir joué un rôle important. [3, p 8]
Le pilier prévention
Depuis la fin des années 1990, la prévention s’est orientée sur les groupes « vulnérables » (c'est-à-dire à risque). À ce titre, plusieurs programmes de prévention ont été élaborés spécifiquement à l’attention des jeunes.
La stratégie de l’Office fédéral de la santé publique consiste à intervenir, à travers des programmes de prévention, sur les principaux lieux de vie des jeunes. La plupart de ces programmes visent non pas la problématique des substances psychoactives, mais plutôt l’identification précoce des jeunes en situation de risque (prévention secondaire) et la promotion d’activités favorables à la santé. [5, p 35]
Le programme de recherche sur la prévention des dépendances « supra-f » a pris naissance dans ce contexte. En 1999, les cantons et les villes ont été invités à présenter à l’OFSP leurs propres programmes visant la détection et l’intervention précoces dans le domaine de la jeunesse. En 2000, les subventions fédérales ont permis de lancer douze programmes pour la jeunesse dans sept cantons. [6,7]
En partant du constat que tous les jeunes qui essaient et consomment occasionnellement des drogues ne deviennent pas forcément plus tard des consommateurs réguliers ou dépendants, le domaine de la prévention s’est fixé comme objectif non seulement d’éviter une première consommation, mais surtout (avec la détection précoce) d’intervenir le plus vite possible après une première consommation.
La prévention secondaire ou dépistage précoce est le domaine qui a évolué de la manière la plus marquée au cours de ces dernières années. Il s'agit de programmes visant à identifier les jeunes en situation de risque avant qu’ils ne consomment des substances psychoactives ou qui viennent de commencer à en consommer. L’objectif est de leur apporter une aide adéquate pour éviter les comportements de consommation problématique et les dépendances. Les risques auxquels ils sont exposés sont essentiellement de nature sociale (décrochage scolaire, milieu socialement défavorisé, etc.) et sanitaire (problèmes psychiques). Souvent préexistants à la consommation de substances psychoactives, ces aspects peuvent être partiellement responsables des abus, mais aussi en être la conséquence. [5, p 36]
Fort de ces constats, le pilier prévention de la Confédération a étendu son activité de la seule prévention primaire à la prévention secondaire. D’une logique tout public, il est passé à un ciblage des groupes les plus vulnérables (prévention sélective). Actuellement, le pilier prévention obéit à un triple objectif:
- dissuader les individus, avant tout les enfants et les adolescents, de consommer des substances engendrant la dépendance (prévention primaire);
- éviter les problèmes et les effets négatifs de cette consommation tant pour l’individu que pour la collectivité;
- empêcher l’évolution dangereuse de cette consommation vers l’abus et la dépendance.
Que se passe-t-il ailleurs ?
Sur le plan international, la protection des enfants est entérinée par plusieurs conventions de l’ONU. L’article 33, de la Convention de 1989 relative aux droits de l’enfant (ratifiée par la Suisse), spécifie que les Etats s'engagent à prendre des mesures «pour protéger les enfants contre l’usage illicite de stupéfiants et de substances psychotropes».
La nécessité d’accorder une protection spéciale à l’enfant a été énoncée dans la Déclaration de Genève de 1924 sur les droits de l’enfant et dans la Déclaration des droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1959.
La Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1989 par l’Assemblée générale des Nations Unies, réunit aujourd'hui 191 Etats dont la Suisse.
L'article 33 de cette convention stipule que « les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées, y compris des mesures législatives, administratives, sociales et éducatives, pour protéger les enfants contre l’usage illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, tels que les définissent les conventions internationales pertinentes, et pour empêcher que des enfants ne soient utilisés pour la production et le trafic illicites de ces substances. » [8]
La protection de la jeunesse fait partie intégrante de la politique de l’Union européenne en matière de drogues. Tout comme en Suisse, la consommation de cannabis par les jeunes constitue un problème important pour les pays européeens.
« Près d’un quart de la totalité des adultes ont essayé le cannabis à un moment ou à un autre de leur vie et un sur quatorze en a consommé au cours de la dernière année, ce qui fait du cannabis la drogue illicite la plus couramment consommée en Europe. Mais, et c’est encore plus vrai que pour la population en général, c’est de loin la drogue illicite la plus couramment consommée par les jeunes et les très jeunes. La consommation de drogues chez les personnes en phase de développement physique et social peut poser un problème particulier. L’importance de comprendre les conséquences que peut avoir le fait de commencer à consommer du cannabis à un âge précoce, d’une part, et de savoir ce qui pourrait constituer des réponses appropriées à ce problème, d’autre part, est l’une des questions complexes que la consommation généralisée de cannabis pose actuellement aux politiques de santé publique et de lutte contre la drogue en Europe. » [9, p13]
En matière d’action, à l’instar de la Suisse, les mesures de prévention ciblées sur les jeunes sont particulièrement encouragées au vu de leur efficacité.
Les États membres s’intéressent de plus en plus aux stratégies de prévention visant des groupes entiers de populations vulnérables : les jeunes sont au centre des préoccupations. [10]
Selon l’Observatoire européen des drogues, « La possibilité d’identifier les personnes à risque et d’intervenir rapidement est un élément important de tout programme antidrogues, et les enseignants peuvent être parmi les premiers à identifier la consommation de cannabis chez leurs élèves. L’Allemagne, l’Italie et la Pologne ont mis au point des programmes à l’intention des enseignants pour les aider à répondre au problème de la consommation de cannabis et à demander l’aide de spécialistes en cas de besoin. » [9, p47]
Outre les vies sauvées et les problèmes évités, il a été établi qu’une action précoce est extrêmement rentable.
Une étude britannique effectuée par l’Université de York a calculé le coût de l’usage de drogues illicites telles que l’héroïne, le crack et la cocaïne au Royaume-Uni. On estime les coûts occasionnés par ces drogues à près de 30 milliards d’euros par an (une autre étude estime ces coûts à un peu plus de 4 milliards de francs pour la Suisse). Les toxicomanes sévères représentent 99% du total des coûts sociaux et économiques des drogues; les usagers récréatifs coûtent en moyenne 30 euros par an, alors que les usagers problématiques coûtent plus de 16,000 euros par an. [11, p 15]
Bibliographie
[1] Ledermann S, Sager F, La politique suisse en matière de drogue
Troisième programme de mesures de la Confédération en vue de réduire les problèmes de drogue (ProMeDro III) 2006-2011, Berne: Office fédéral de la santé publique (OFSP), 2006.
[2] Suris JC, Berchtold A, Jeannin A, Michaud PA, Jeunes vulnérables en Suisse. Faits et données, Lausanne: Institut universitaire de médecine sociale et préventive, 2006; http://www.bag.admin.ch/themen/drogen/00042/00632/04651/index.html?lang=fr&download=M3wBPgDB/8ull6Du36WcnojN
14in3qSbnpWXbWyflE6p1rJgsYfhyt3NhqbdqIV+bay9bKbXrZ6lhuDZz8mMps2go6fo.
[3] ISPA, “Consommation de substances par les jeunes Suisses ,” juillet. 2008; http://www.sfa-ispa.ch/DocUpload/Medienrohstoff.FR.pdf.
[4] OFSP, Recherches de l’OFSP en matière de dépendances 2002–03
Volume 2/3: Prévention, Office fédéral de la santé publique (OFSP), 2006;
http://www.bag.admin.ch/shop/00010/00205/index.html?lang=fr&download=M3wBUQCu/8ulmKDu36WenojQ1NTTjaXZnqWf
Vp7Yhmfhnapmmc7Zi6rZnqCkkIV9gX17bKbXrZ2lhtTN34al3p6YrY7P1oah162apo3X1cjYh2+hoJVn6w==.
[5] Commission fédérale pour les questions liées aux drogues (CFLD), D'une politique des drogues illégales à une politique des substances psychoactives, Berne: Hans Huber, 2006; http://www.bag.admin.ch/shop/00035/00081/index.html?lang=fr.
[6] OFSP, “Office fédéral de la santé publique - Supra-f : un modèle de bonne pratique dans la prévention chez les jeunes vulnérables”; http://www.bag.admin.ch/themen/drogen/00042/00628/03372/index.html?lang=fr
[7] Infoset, “Programmes de prévention destinés aux enfants et adolescents”; zotero://attachment/4703/.
[8] Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant, 1997; http://www.admin.ch/ch/f/rs/0_107/index.html.
[9] EMCDDA, 2007 - Rapport annuel sur l’état du phénomène de la drogue dans l’Union européenne et en Norvège, Lisbon: EMCDDA, 2007; http://www.emcdda.europa.eu/html.cfm/index44682EN.html.
[10] EMCDDA, Drug use and related problems among very young people (under 15 years old), Lisbon: EMCDDA, 2007; http://www.emcdda.europa.eu/html.cfm/index44739EN.html.
[11] Annette Verster & Ernst Buning, Informations destinées aux décideurs - Sur l’efficacité des traitements de substitution contre la dépendance aux opiacés, EuroMethwork, 2003; http://www.q4q.nl/methwork/info%20Eurometh%20Francais.pdf.