Coûts

Quels faits parlent en faveur de la politique des 4 piliers ?

En matière de santé, les dépenses effectuées sont avant tout des investissements rentables : dépister un cancer et le traiter à un stade précoce  au lieu de le traiter tardivement  permet d’épargner des dizaines de milliers de francs ; il en est de même dans le domaine des dépendances.

« Les études réalisées sur le coût de la consommation de drogue constituent une source d’information importante pour le développement et la gestion des politiques antidrogue. On distingue deux principales catégories de coûts liés à la drogue: les coûts directs et les coûts indirects. Les coûts directs font l’objet de paiements et comportent généralement les dépenses imputables à la prévention, au traitement, à la réduction des risques et à l’application de la législation. Les coûts indirects représentent la valeur des services productifs qui n’ont pas été réalisés en raison d’une consommation de drogue et se manifestent le plus souvent par une perte de productivité consécutive à une morbidité et à une mortalité liées à la drogue. » [2]

« Il existe plusieurs avantages à déterminer le coût social de la consommation de drogue. Premièrement, il atteste des dépenses de la société liées à la drogue et, implicitement, des économies réalisables par la suppression de la toxicomanie. Deuxièmement, cela permet d’identifier les différents éléments de coût ainsi que la contribution de chaque secteur de la société. Ces informations permettent d’établir les priorités de financement en soulignant les domaines où des insuffisances peuvent exister et où des économies sont possibles. » [2]

C’est l’inaction en matière de drogue qui coûte le plus cher.

Un nombre important d’études menées sur le plan international démontrent que c’est l’inaction en matière de drogue qui coûte le plus cher. Des économistes anglo-saxons ont inventé le concept du «coût social» qui permet de calculer combien les drogues licites et illicites coûtent à la société. Ce concept permet aussi de comparer et d’évaluer les différentes politiques publiques selon une approche coût-efficacité. [3, p 43]

Afin d’évaluer le rapport coût-efficacité des politiques publiques en matière de drogue, de très nombreuses études ont été menées sur le coût social des drogues.

Toutes arrivent à la même conclusion :  en investissant dans la politique drogue, on fait gagner de l’argent à la société. Chaque franc investi dans la politique drogues est un franc bien investi. Selon le domaine d’intervention, chaque franc peut permettre de réaliser des économies allant jusqu'à 26 francs!

Investir dans la politique drogue signifie économiser des centaines de millions de francs en coûts liés à la criminalité et en traitement des maladies (SIDA, hépatite, etc.).

A titre d’exemple, une vaste étude américaine a démontré qu’une personne dépendante non traitée induisait des coûts 20 fois plus importants que si elle suivait un traitement à la méthadone.

Le  Department of Substance Abuse Services (DASA) et le National Institute for Drug Addiction aux Etats-Unis ont estimé le coût annuel pour maintenir un toxicomane dans différentes situations à New York en 1991:

  • non traité, en rue $43.000 – CHF 60.000
  • en prison $43.000 – CHF 60.000
  • dans un programme  résidentiel sans drogue $11.000 - CHF 15.000
  • en traitement de maintenance à la méthadone $ 2.400 – CHF 3375

Selon l’OMS, pour chaque franc investi dans le traitement, la société économise de 4 à 7 francs en coûts liés à la criminalité ; ce ratio peut  dépasser 1/12 en tenant compte des coûts de santé. [7]

Dans le domaine de la réduction des risques, chaque franc investit dans un programme d’échange de seringues permet  d’économiser 26 francs dans le traitement de l’hépatite C, du VIH/SIDA et d’autres affections liées à l’utilisation de drogues injectables  (ratio 1/26).

« En 1991, le gouvernement de l’Australie a consacré 10 millions de dollars australiens aux  programmes d'échange de seringues, contribuant ainsi à éviter l’apparition d’environ 3 000 nouveaux cas d’infection au VIH. Pour cette année-là seulement, les économies en soins de santé ont dépassé 266 millions de dollars. » [8]

Actuellement, rien qu’en investissant dans les traitements de substitution (en ambulatoire), le contribuable suisse épargne chaque année 420 millions de francs en frais liés à la criminalité et plus de 1,5 milliards en frais de santé.

Ce résultat est obtenu en se basant sur le coût réel des prestations ambulatoires qui, pour l’année 2000, s’élevaient à 140 millions de francs [1, p 37] combiné avec les ratios de l’’OMS  : respectivement 1/4 pour la criminalité et 1/12 pour la santé. Cette estimation n’est pas exagérée. La seule enquête menée en Suisse sur le sujet estime à 4,1 milliards de francs le coût total de la drogue en Suisse pour l’année 2000.

 

 

 

 

Combien coûte la problématique des drogues en Suisse ?

En Suisse, les coûts directs de la drogue s’élevaient à 1,4 milliard pour l’année 2000.

Les coûts directs comprennent toutes les dépenses effectuées  pour prévenir et corriger les conséquences négatives de la consommation de drogues illégales, qu'il s'agisse du traitement des atteintes à la santé, de traitements de substitution, de l’aide à la survie, de frais de police ou de justice, d’incarcération ou de dommages matériels. Au total, les coûts directs se montent à 1,4 milliard de francs, dont 800 millions pour la répression seule (soit 20% du coût total) [1]

En prenant en compte les retombées économiques sur les autres secteurs de la société, le coût global des drogues illégales s’éleve à 4,1 milliards.

Le coût social des drogues illicites en Suisse est estimé à 4,1 milliards de francs pour l’année 2000. Les coûts directs – soit les moyens consacrés à la politique de la drogue ou utilisés pour traiter les atteintes à la santé – représentent un tiers du coût social (1,4 milliard). Les incapacités de travail dues à la morbidité ou à la mortalité ont un coût annuel de 2,3 milliards (56% du coût social). Quant aux coûts humains –la détérioration de la qualité de vie des toxicomanes atteints dans leur santé et de leurs proches– ils s’élèvent à 391 millions et représentent un peu moins de 10% du coût social. [1]

 

Bien qu’élevé, ce coût global de 4,1 milliards, qui représente 1% du PIB suisse, se situe dans la moyenne internationale.

A titre de comparaison : «le coût social des drogues illicites peut-être comparé à celui des substances licites engendrant la dépendance – tabac et alcool – ou au coût des accidents de la route par exemple. En suivant la même approche, le coût social du tabac a été estimé à 10 milliards de francs en 1995 (10,7 milliards en 2000) et le coût de l’alcool à 6,5 milliards en 1998 (6,7 milliards en 2000). Quant au coût des accidents de la route, il a été estimé à 12,3 milliards en 1998 (ARE 2002). [1]

« Dans la présente étude, le coût social de la consommation de drogues représente un peu moins de 1% du PIB, soit une valeur proche de celles obtenues par Collins et Lapsley (2002) pour l’Australie et par Rice et al. (1990) pour les Etats-Unis. Il faut noter que l’étude australienne comprend une estimation des coûts humains, alors que la seconde se limite aux coûts directs et indirects. En excluant les coûts humains, le coût social estimé pour la Suisse représente 0,9% du PIB, soit une valeur qui reste proche de celle obtenue par Rice. Seul Harwood, dans le travail réalisé pour l’Institut national sur l’abus des drogues aux Etats-Unis (NIDA), aboutit à des valeurs plus hautes. » [1, IV ]

Bibliographie

[1]  Claude Jeanrenaud , Gaëlle Widmer, et Sonia Pellegrini, Le coût social de la consommation de drogues illégales en Suisse. Rapport final, Neuchâtel: Institut de recherches économiques et régionales, 2005;

[2] EMCDDA, 2007 - Rapport annuel sur l’état du phénomène de la drogue dans l’Union européenne et en Norvège,  Lisbon: EMCDDA, 2007; http://www.emcdda.europa.eu/html.cfm/index44682EN.html.

[3] UNESCO, Abus des drogues et sida: enrayer l'épidémie, UNESCO, 2001; http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001271/127135f.pdf.

[4] Belenko S, Patapis N, French, MT  , Economic Benefits of Drug Treatment: A Critical Review of the Evidence for Policy Makers,  Philadelphia: University of Pennsylvania. Treatment Research Institute, 2005;
http://www.tresearch.org/resources/specials/2005Feb_EconomicBenefits.pdf.

[5] Chris Doran, Economic Evaluation of Interventions for Illicit Opioid Dependence:  a review of evidence, 2007;
http://www.who.int/substance_abuse/activities/economic_evaluation_interventions.pdf.

[6] Annette Verster & Ernst Buning, Informations destinées aux décideurs - Sur l’efficacité des traitements de substitution contre la dépendance aux opiacés, EuroMethwork, 2003; http://www.q4q.nl/methwork/info%20Eurometh%20Francais.pdf.

[7] WHO/UNODC/UNAIDS, Substitution maintenance therapy in the management of opioid dependance and HIV/AIDS prevention. WHO/UNODC/UNAIDS Position paper , 2004; http://www.unodc.org/docs/treatment/Brochure_E.pdf.

[8] Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies  (CCLAT), “FAQ  sur les programmes d’échange de seringues” 2004; http://www.ccsa.ca/NR/rdonlyres/3AE40A76-BC29-4705-998E-80BFAB230FC2/0/ccsa0100542004.pdf.